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J’avoue avec vous que les belles-lettres & les sciences ont causé quelquefois beaucoup de mal.

Les ennemis du Tasse firent de sa vie un tissu de malheurs ; ceux de Galilée le firent gémir dans les prisons à soixante & dix ans, pour avoir connu le mouvement de la terre, & ce qu’il y a de plus honteux, c’est qu’ils l’obligerent à se retracter.

Dès que vos amis eurent commencé le Dictionnaire Encyclopédique, ceux qui osoient être leurs, rivaux, les traiterent de Déistes, d’Athées, & même de Jansénistes. Si j’osois me compter parmi ceux dont les travaux n’ont eu que la persécution pour récompense, je vous serois voir une troupe de misérables acharnés à me perdre, du jour que je donnai la tragédie d’Oedipe ; une bibliothèque de calomnies ridicules imprimée contre moi ; un prêtre ex-jésuite que j’avois sauvé du dernier supplice, me payant par des libelles diffamatoires, du service que je lui avois rendu ; un homme plus coupable encore, faisant imprimer mon propre ouvrage du siecle de Louis XIV, avec des notes où la plus crasse ignorance débite les calomnies les plus effrontées ; un autre qui vend à un Libraire une prétendue histoire universelle sous mon nom, & le Libraire assez avide ou allez sot pour imprimer ce tissu informe de bévues, de fausses dates, de faits & de noms estropiés ;, & enfin des hommes assez lâches & assez méchans, pour m’imputer cette rapsodie. Je vous serois voir la société infectée de ce genre d’hommes, inconnu à toute l’antiquité, qui, ne pouvant embrasser une, profession honnête, soit de laquais, soit de manœuvre, & sachant malheureusement lire & écrire, se sont courtiers de la littérature, volent des manuscrits, les défigurent & les vendent.