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que l’Auteur ? N’ai-je pas eu ici mille altercations avec les miens ? Quoique gens d’esprit & d’honneur, ils m’ont toujours désolé par de misérables chicanes, qui n’avoient ni le sens commun, ni d’autre cause qu’une vile pusillanimité, ou la vanité de vouloir tout savoir mieux qu’un autre. Je n’ai jamais cédé, parce que je ne cédé qu’à la raison ; le Magistrat a été notre juge, & il s’est toujours trouvé que les censeurs avoient tort. Quand je répondis au Roi de Pologne, je devois selon eux, lui envoyer mon manuscrit, & ne le publier qu’avec son agrément : c’étoit, prétendoient-ils, manquer de respect au pere de la Reine que de l’attaquer publiquement, sur-tout avec la fierté qu’ils trouvoient dans ma réponse ; & ils ajoutoient même, que ma sureté exigeoit des précautions ; je n’en ai pris aucune ; je n’ai point envoyé mon manuscrit au Prince ; je me suis fié à l’honnêteté publique, comme je fais encore aujourd’hui, & l’événement a prouvé que j’avois raison. Mais à Geneve il n’en iroit pas comme ici ; la décision de mes censeurs seroit sans appel ; je me verrois réduit à me taire, ou à donner sous mon nom, le sentiment d’autrui ; & je ne veux faire ni l’un ni l’autre. Mon expérience m’a donc fait prendre la ferme résolution d’être désormais mon unique censeur ; je n’en aurois jamais de plus sévere, & mes principes n’en ont pas besoin d’autres, non plus que mes mœurs : puisque tous ces gens-là regardent toujours à mille choses étrangeres dont je ne me soucie point, j’aime mieux m’en rapporter à ce juge intérieur & incorruptible qui ne passe rien de mauvais, & ne condamne rien de bon, & qui ne trompe jamais quand on le consulte de bonne foi, J’espere que vous