plus pesant qu’utile, je pense avec vous qu’il auroit convenu d’obtenir l’agrément de la République ou du Conseil, comme c’est assez l’usage en pareil cas ; & j’étois si bien de cet avis, que mon voyage fut fait en partie, dans l’intention de solliciter cet agrément ; mais il me fallut peu de tems & d’observations pour reconnoître l’impossibilité de l’obtenir ; je sentis que demander une telle permission, c’étoit vouloir un refus, & qu’alors ma démarche qui pêche tout au plus contre une certaine bienséance dont plusieurs se sont dispensés, seroit par-là devenue une désobéissance condamnable, si j’avois persisté, ou l’étourderie d’un sot, si j’eusse abandonné mon dessein : car ayant appris que dès le mois de Mai dernier, il s’étoit fait à mon insçu des copies de l’ouvrage & de la Dédicace, dont je n’étois plus le maître de prévenir l’abus, je vis que je ne l’étois pas non plus de renoncer à mon projet, sans m’exposer à le voir exécuter par d’autres.
Vôtre lettre m’apprend elle-même que vous ne sentez pas moins que moi toutes les difficultés que j’avois prévues ; or, vous savez qu’à force de se rendre difficile sur les permissions indifférentes, on invite les hommes à s’en passer : c’est ainsi que l’excessive circonspection du feu Chancelier, sur l’impression des meilleurs livres, fit enfin qu’on ne lui présentoit plus de manuscrits, & que les livres ne s’imprimoient pas moins, quoique cette impression faite contre les loix, fût réellement criminelle, au lieu qu’une Dédicace non communiquée, n’est tout au plus qu’une impolitesse ; & loin qu’un tel procédé soit blâmable par sa nature, il est au fond plus conforme à l’honnêteté que l’usage établi ; car il y a je ne sais