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considération ne m’a point retenu, c’est qu’en toute chose le blâme de l’univers entier me touche beaucoup moins que l’aveu de ma conscience. Mais, dites-vous, dédier un livre à la République, cela ne s’est jamais fait. Tant mieux, Monsieur ; dans les choses louables, il vaut mieux donner l’exemple que le recevoir, & je crois n’avoir que de trop justes raisons pour n’être l’imitateur de personne ; ainsi, votre objection n’est au fond qu’un préjugé de plus en ma saveur, car depuis long-tems il ne reste plus de mauvaise action à tenter, & quoi qu’on en pût dire, il s’agiroit moins de savoir si la chose s’est faite ou non, que si elle est bien ou mal en soi, de quoi je vous laisse le juge. Quant à ce que vous ajoutez qu’après ce qui s’est passé, de telles nouveautés peuvent être dangereuses, c’est-là une grande vérité à d’autres égards ; mais à celui-ci, je trouve au contraire ma démarche d’autant plus à sa place après ce qui s’est passé, que mes éloges étant pour les Magistrats, & mes exhortations pour les Citoyens, il convient que le tout s’adresse à la République, pour avoir occasion de parler à ses divers membres, & pour ôter à ma Dédicace toute apparence de partialité. Je sais qu’il y a des choses qu’il ne faut point rappeller ; & j’espere que vous me croyez allez de jugement pour n’en user à cet égard, qu’avec une réserve dans laquelle, j’ai plus consulté le goût des autres que le mien : car je ne pense pas qu’il soit d’une adroite politique, de pousser cette maxime jusqu’au scrupule. La mémoire d’Erostrate nous apprend, que c’est un mauvais moyen de faire oublier les choses, que d’ôter la liberté d’en parler : mais si vous faites qu’on n’en parle qu’avec douleur, vous serez bientôt qu’on n’en parlera plus. Il y a je