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de l’Evangile celle du Prince qui la leur faisoit annoncer.

Tel étoit le respect qu’on portoit encore à ce grand Corps expirant, que jusqu’au dernier instant ses destructeurs s’honoroient de an titres ; on voyoit devenir officiers de l’Empire, les mêmes conquérans qui l’avoient avili ; les plus grands Rois accepter, briguer même les honneurs Patriciaux, la Préfecture, le Consulat ; &, comme un lion qui flatte l’homme qu’il pourroit dévorer, on voyoit ces vainqueurs terribles rendre hommage au trône Impérial, qu’ils étoient maîtres de renverser.

Voilà comment le Sacerdoce & l’Empire ont formé le lien social de divers Peuples, qui, sans avoir aucune communauté réelle d’intérêts, de droits ou de dépendance, en avoient une de maximes & d’opinions, dont l’influence est encore demeurée quand le principe a été détruit. Le simulacre antique de l’Empire romain a continué de former une sorte de liaison entre les membres qui l’avoient composé ; & Rome ayant dominé d’une autre manière après la destruction de l’Empire, il est resté de ce double lien*

[*Le respect pour l’Empire Romain a tellement survécu à sa puissance, que bien des Jurisconsultes ont mis en question si l’Empereur d’Allemagne n’étoit pas le Souverain naturel du monde ; & Barthole a poussé les choses jusqu’à traiter d’hérétique quiconque osoit en douter. Les livres des Canonistes sont pleins de décisions semblables sur l’autorité temporelle de l’Eglise Romaine.] une société plus étroite entre les Nations de l’Europe, où étoit le centre des deux Puissances, que dans les autres parties du monde, dont les divers Peuples, trop épars pour se correspondre, n’ont de plus aucun point de réunion.

Joignez à cela la situation particulière de l’Europe, plus