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rapport à lui-même ; en sorte que pour qui sent son existence il vaille mieux exister que ne pas exister. Mais il faut appliquer cette regle à la durée totale de chaque être sensible & non à quelque instant particulier de sa durée tel que la vie humaine, ce qui montre combien la question de la providence tient à celle de l’immortalité de l’ame que j’ai le bonheur de croire, sans ignorer que la raison peut en douter, & à celle de l’éternité des peines que ni vous, ni moi, ni jamais homme pensant bien de Dieu ne croirons jamais.

Si je ramene ces questions diverses à leur principe commun, il me semble qu’elles se rapportent toutes à celle de l’existence de Dieu. Si Dieu existe, il est parfait ; s’il est parfait, il est sage, puissant & juste ; s’il est sage & puissant, tout est bien ; s’il est juste & puissant, mon ame est immortelle ; si mon ame est immortelle, trente ans de vie ne sont rien pour moi & sont peut-être nécessaires au maintien de l’univers. Si l’on m’accorde la premiere proposition, jamais on n’ébranlera les suivantes ; si on la nie, il ne faut point disputer sur ses conséquences.

Nous ne sommes ni l’un ni l’autre dans ce dernier cas. Bien loin du moins que je puisse rien présumer de semblable de votre part en lisant le recueil de vos œuvres, la plupart m’offrent les idées les plus grandes, les plus douces, les plus consolantes de la divinité, & j’aime bien mieux un chrétien de votre façon que de celle de la Sorbonne.

Quant à moi, je vous avouerai naïvement que ni le pour ni le contre ne me paroissent démontrés sur ce point par les seules lumieres de la raison, & que si le théïste ne fonde son