Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

& cette connoissance est incontestablement au dessus de l’intelligence humaine. Les vrais principes de l’optimisme ne peuvent se tirer ni des propriétés de la matiere, ni de la mécanique de l’univers, mais seulement par induction des perfections de Dieu qui préside à tout : de sorte qu’on ne prouve pas l’existence de Dieu par le systême de Pope, mais le systême de Pope par l’existence de Dieu, & c’est sans contredit de la question de la providence qu’est dérivée celle de l’origine du mal. Que si ces deux questions n’ont pas été mieux traitées l’une que l’autre, c’est qu’on a toujours si mal raisonné sur la providence, que ce qu’on en a dit d’absurde a fort embrouillé tous les corollaires qu’on pouvoit tirer de ce grand & consolant dogme.

Les premiers qui ont gâté la cause de Dieu, sont les prêtres & les dévots qui ne souffrent pas que rien se fasse selon l’ordre établi, mais font toujours intervenir la justice divine à des événemens purement naturels, & pour être sûrs de leur fait punissent & châtient les méchans, éprouvent ou récompensent les bons indifféremment avec des biens ou des maux selon l’événement. Je ne sais, pour moi, si c’est une bonne théologie, mais je trouve que c’est une mauvaise maniere de raisonner, de fonder indifféremment sur le pour & le contre les preuves de la providence, & de lui attribuer sans choix tout ce qui se feroit également sans elle.

Les Philosophes à leur tour ne me paroissent gueres plus raisonnables, quand je les vois s’en prendre au Ciel de ce qu’ils ne sont pas impassibles, crier que tout est perdu quand ils ont mal aux dents, ou qu’ils sont pauvres, ou qu’on les