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la Suisse ; mais c’étoit pour le forcer charitablement d’aller en Angleterre*

[*Choisir un Anglois pour mon dépositaire & mon confident, seroit ce me semble, réparer d’une maniere bien authentique le mal qui j’ai pu penser & dire de sa nation. On l’a trop abuse sûr mon compte pour que j’aie pu ne pas m’abuser quelquefois sûr le sien. *

[*M. Rousseau étoit si bien revenu de ses préjugés contre l’Angleterre, que peu de tems avant sa mort, il donna commission à l’éditeur de lui chercher un asyle dans ce pays pour y finir ses jours. Note de l’éditeur.] chercher l’asyle qu’on lui preparoit à son insçu depuis long-tems, & bien meilleur que celui qu’il s’étoit obstine de choisir quoiqu’il ne pût de-la faire aucun mal à personne. Mais quel mal lui a-t-on fait à lui-même, & de quoi se plaint-il aujourd’hui ? Ne le laissé-t-on pas tranquille dans son opprobre ? Il peut se vautrer à soi aise dans la fange ou l’on le tient embourbe. On l’accable d’indignités, il est vrai ; mais qu’importe ? quelles blessures lui font-elles ? N’est-il pas fait pour les souffrir, & quand chaque passant lui cracheroit au visage, quel mal après tout, cela lui feroit-il ? Mais ce monstre d’ingratitude ne sent rien, ne fait gré de rien, & tous ménagemens qu’on a pour lui loin de le toucher ne sont qu’irriter sa férocité. En prenant le plus grand soin de lui ôter tous ses amis on ne leur à rien tant recommande que d’en garder toujours l’apparence & le titre, & de prendre pour le tromper le même ton qu’ils avoient auparavant pour l’accueillir. C’est sa coupable défiance qui seule le rend misérable. Sans elle il seroit un peu plus dupe, mais il vivroit tout aussi content qu’autrefois. Devenu l’objet de l’horreur publique, il s’est vu par-la celui des attentions de tout le monde.