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au génie & ne fait rien qu’à forcé de travail. Il n’y a rien dans le Devin du Village qui passe, quant à la partie scientifique, les principes élémentaires de la composition, & non-seulement il n’y a point d’ecolier de trois mois qui dans ce sens ne fut en état d’en faire autant ; mais on bien peut douter qu’un savant Compositeur pût se résoudre à être aussi simple. Il est vrai que l’Auteur de cet ouvrage y a suivi un principe cache qui se fait sentir sans qu’on le remarque, & qui donne à ses chants un effet qu’on ne sent dans aucune autre Musique Françoise. Mais ce principe, ignore de tous nos Compositeurs, dédaigne de ceux qui en ont entendu parler, pose seulement par l’Auteur de la lettre sûr la Musique Françoise qui en à fait ensuite un article du Dictionnaire, suivi seulement par l’Auteur du Devin est une grande preuve de plus que ces deux Auteurs sont le même. Mais tout cela montre l’invention d’un amateur qui a réfléchi sûr l’Art, plutôt que la routine d’un professeur qui le possede supérieurement. Ce qui peut faire honneur au Musicien dans cette piece est la récitatif : il est bien module bien ponctue, bien accentue autant que du récitatif FRANÇOIS peut l’être. Le tour en est neuf, du moins il l’étoit alors à tel point qu’on ne voulut point hazarder ce récitatif à la Cour, quoiqu’adapte à la langue plus qu’aucun autre. J’ai peine à concevoir comment du récitatif peut être pille, à moins qu’on ne pille aussi les paroles, & quand il n’y auroit que cela de la main de l’Auteur de la piece, j’aimerois mieux, quant à moi, avoir fait le récitatif sans les airs que les airs sans le récitatif ; mais je sens trop bien la même main dans le tout pour pouvoir le partager à differens