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Voila, Monsieur, ce que j’ai voulu vérifier par moi-même. Si cette expérience ne suffit pas pour prouver qu’il a fait le Devin du Village, elle suffit au moins pour détruire celle des preuves qu’il ne l’a pas fait à laquelle vous vous en êtes tenu. Vous savez pourquoi toutes les autres ne sont point autorité pour moi : mais voici une autre observation qui acheve de détruire mes doutes, & me confirme ou me ramene dans mon ancienne persuasion.

Après cette épreuve j’ai examine toute la musique qu’il a composée depuis son retour à Paris & qui ne laisse pas de faire un recueil considérable, & j’y ai trouve une uniformité de style & de faire qui tomberoit quelquefois dans la monotonie si elle n’étoit autorisée ou excusée par le grand rapport des paroles dont il a fait choix le plus souvent. J. J. avec un cœur trop porte à la tendresse eut toujours un goût vif pour la vie champêtre. Toute sa musique, quoique variée selon les sujets porte une empreinte de ce goût. On croit entendre l’accent pastoral des pipeaux, & cet accent se fait par-tout sentir le même que dans le Devin du Village. Un connoisseur peut pas plus s’y tromper qu’on ne s’y tromper qu’on se trompe au faire des Peintres. Toute cette musique à d’ailleurs une simplicité j’oserois dire une vérité que n’a parmi nous nulle autre musique moderne. Non-seulement elle n’a besoin ni de trilles ni de petites notes ni d’agrémens ou de fleurtis d’aucune espece, mais elle ne peut même rien supporter de tout cela. Toute son expression est dans les seules nuances du fort & du doux, vrai caractere d’une bonne mélodie ; cette mélodie y est toujours une & bien marquée, les accompagnement