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de qualifier, & avec un succès qui tient du prodige ; ce silence effrayant & terrible ne m’a pas laissé saisir la moindre idée qui pût m’éclairer sur ces étranges dispositions. Livré pour toute lumière à mes conjectures, je n’en ai su former aucune qui pût expliquer ce m’arrive de manière a pouvoir croire avoir démêlé la vérité. Quand de forts indices m’ont fait penser quelquefois avoir découvert avec le fond de l’intrigue son objet & ses auteurs, les absurdités sans nombre que j’ai vu naître de ces suppositions m’ont bientôt contraint de les abandonner, & toutes celles que mon imagination s’est tourmentée à leur substituer n’ont pas mieux soutenu le moindre examen.

Cependant pour ne pas combattre une chimère, pour ne pas outrager toute une génération, il falloit bien supposer des raisons dans le parti approuvé & suivi par tout le monde. Je n’ai rien épargné pour en chercher pour en imaginer de propres à séduire la multitude, & si je n’ai rien trouvé qui dût avoir produit cet effet, le Ciel m’est témoin que ce n’est faute ni de volonté ni d’efforts, & que j’ai rassemblé soigneusement toutes les idées que mon entendement m’a pu fournir pour cela. Tous mes soins n’aboutissant à rien qui pût me satisfaire, j’ai pris le seul parti qui me restoit à prendre pour m’expliquer : c’étoit, ne pouvant raisonner sur des motifs particuliers qui m’étoient inconnus & incompréhensibles, de raisonner sûr une hypothèse générale qui pût tous les rassembler : c’étoit entre toutes les suppositions possibles de choisir la pire pour moi la meilleure pour mes adversaires, & dans