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parce qu’il les déteste ; il vit en loup-garou, parce qu’il n’y a rien d’humain dans son cœur.

Rousseau.

Non, cela ne nie paroît pas aussi clair qu’à vous, & ce discours que j’entends tenir à tout le monde me prouve bien que les hommes le haïssent, mais non pas que c’est lui qui les hait.

Le François.

Quoi ! ne l’avez-vous pas vu, ne le voyez-vous pas tous les jours, recherche de beaucoup de gens, se refuser durement à leurs avances ? Comment donc expliquez-vous cela ?

Rousseau.

Beaucoup plus naturellement que vous : car la suite est un effet bien plus naturel de la crainte que de la haine. Il ne suit point les hommes parce qu’il les hait, mais parce qu’il en a peur. Il ne les suit pas pour leur faire du mal, mais pour tacher d’échapper à celui qu’ils lui veulent. Eux au contraire, ne le recherchent pas par amitié, mais par haine. Ils le cherchent & il les suit comme dans les fables d’Afrique ou sont peu d’hommes & beaucoup de tigres, les hommes fuyent le tigres & les tigres cherchent les hommes ; s’ensuit-il de-la que les hommes sont mechans farouches, & que les tigres sont sociables & humains ? Même, quelque opinion que doive avoir J. J. de ceux qui, malgré celle qu’on a de lui, ne laissent pas de le rechercher, il ne ferme point sa porte à tout le monde ; il reçoit honnêtement les anciennes connaissances