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AVERTISSEMENT. &c.

compatriote, qui parle si bien la langue du pays ; ils pleureront sur les angoisses d’une grande & belle ame, réduite à l’état affreux d’où elle devoit voir toute la terre se liguer contre son repos & son honneur ; & ils commenceront la vengeance qui attend ses lâches persécuteurs dans le mépris & l’exécration de toute la postérité.

Je dois avertir tous ceux à qui le nom célebre de l’Auteur pourroit faire chercher de l’amusement dans ces feuilles, qu’ils n’y trouveront rien, ni pour flatter leur goût, ni pour satisfaire à leur curiosité. Le froid Philosophe daignera peut-être y voir un morceau intéressant pour servir à l’histoire de l’esprit humain.

S’il est une plume capable de peindre les mœurs les plus simples & les plus sublimes, une bienveillance qui partageoit toutes les miseres du genre-humain, un courage toujours prêt à se sacrifier pour la cause de la vérité, & sur-tout ces aspirations continuelles après la plus haute vertu, trop élevée peut-être pour que notre foiblesse puisse y atteindre, mais qui tiennent celui qui les ressent dans une assiette bien au-dessus de celle des ames ordinaires, — que cette plume écrive la Vie de Jean-Jacques Rousseau[1].

  1. Socrate vivoit dans un siecle où ses préceptes & son exemple lui attirèrent une foule de disciples, & c’est à quelques-uns d’entr’eux que nous devons tout ce que nous savons de cet homme admirable. Rousseau a été seul dans le sien ; mais ses livres nous restent, & ceux qui savent les lire n’ont pas besoin d’autre histoire, ni de sa vie, ni de ses mœurs.