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dans leur clôture, j’eus le tems de m’étonner tout à mon aise de celle où je me trouvois.

Le lendemain matin on nous assembla de nouveau pour l’instruction, & ce fut alors que je commençai à réfléchir pour la premiere fois sur le pas que j’allois faire & sur les démarches qui m’y avoient entraîné.

J’ai dit, je répete & je répéterai peut-être une chose dont je suis tous les jours plus pénétré ; c’est que si jamais enfant reçut une éducation raisonnable & saine, ç’a été moi. Né dans une famille que ses mœurs distinguoient du peuple, je n’avois reçu que des leçons de sagesse & des exemples d’honneur de tous mes parens. Mon pere quoique homme de plaisir avoit non-seulement une probité sûre, mais beaucoup de religion. Galant homme dans le monde & chrétien dans l’intérieur, il m’avoit inspiré de bonne heure les sentimens dont il étoit pénétré. De mes trois tantes, toutes sages & vertueuses, les deux aînées étoient dévotes, & la troisieme, fille à la fois pleine de grâce, d’esprit & de sens, l’étoit peut-être encore plus qu’elles, quoique avec moins d’ostentation. Du sein de cette estimable famille je passai chez M. Lambercier, qui, bien qu’homme d’Eglise & prédicateur, étoit croyant en dedans & faisoit presque aussi bien qu’il disoit. Sa sœur & lui cultiverent par des instructions douces & judicieuses les principes de piété qu’ils trouverent dans mon cœur. Ces dignes gens employerent pour cela des moyens si vrais, si discrets, si raisonnables, que loin de m’ennuyer au sermon, je n’en sortois jamais sans être intérieurement touché & sans faire des résolutions de bien vivre auxquelles je manquois rarement