Le bonheur est un état permanent qui ne semble pas fait
ici-bas pour l’homme. Tout est sur la terre dans un flux continuel
qui ne permet à rien d’y prendre une forme constante.
Tout change autour de nous. Nous changeons nous-mêmes,
& nul ne peut s’assurer qu’il aimera demain ce qu’il aime
aujourd’hui. Ainsi tous nos projets de félicité pour cette vie
sont des chimeres. Profitons du contentement d’esprit quand
il vient, gardons-nous de l’éloigner par notre faute, mais ne
faisons pas des projets pour l’enchaîner, car ces projets là
sont de pures folies. J’ai peu vu d’hommes heureux, peut-être
point : mais j’ai souvent vu des cœurs contens, & de
tous les objets qui m’ont frappé, c’est celui qui m’a le plus
contenté moi-même. Je crois que c’est une suite naturelle du
pouvoir des sensations sur mes sentimens internes. Le bonheur
n’a point d’enseigne extérieure ; pour le connoître il faudroit
lire dans le cœur de l’homme heureux ; mais le contentement
se lit dans les yeux, dans le maintien, dans l’accent,
dans la démarche, & semble se communiquer à celui qui
l’aperçoit. Est-il une jouissance plus douce que de voir un
peuple entier se livrer à la joie un jour de fête, & tous les
cœurs s’épanouir aux rayons expansifs du plaisir qui passe rapidement,
mais vivement, à travers les nuages de la vie ? .
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Il y a trois jours que M. P. vint avec un empressement extraordinaire me montrer l’éloge de Madame Geoffrin par