quoient assez un but secret à tout cela, mais ne me le montroient pas. Elle m’avoit parlé d’un roman qu’elle vouloit faire pour le présenter à la Reine. Je lui avois dis ce que je pensois des femmes auteurs. Elle m’avoit fait entendre que ce projet avoit pour but le rétablissement de sa fortune, pour lequel elle avoit besoin de protection ; je n’avois rien à répondre à cela. Elle me dit depuis que n’ayant pu avoir accès auprès de la Reine, elle étoit déterminée à donner son livre au public. Ce n’étoit plus le cas de lui donner des conseils qu’elle ne me demandoit pas, & qu’elle n’auroit pas suivis. Elle m’avoit parlé de me montrer auparavant le manuscrit. Je la priai de n’en rien faire, & elle n’en fit rien.
Un beau jour durant ma convalescence, je reçus de sa part ce livre tout imprimé & même relié, & je vis dans la préface de si grosses louanges de moi, si maussadement plaquées & avec tant d’affectation que j’en fus désagréablement affecté. La rude flagornerie qui s’y faisoit sentir ne s’allia jamais avec la bienveillance ; mon cœur ne sauroit se tromper là-dessus.
Quelques jours après Madame ***. me vint voir avec sa fille. Elle m’apprit que son livre faisoit le plus grand bruit à cause d’une note qui le lui attiroit ; j’avois à peine remarqué cette note en parcourant rapidement ce roman. Je la relus après le départ de Madame *** ; j’en examinai la tournure, j’y crus trouver le motif de ses visites, de ses cajoleries, des grosses louanges de sa préface, & je jugeai que tout cela n’avoit d’autre but que de disposer le public à m’attribuer la note, & par conséquent le blâme qu’elle pouvoit attirer à son auteur dans la circonstance où elle étoit publiée.