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auprès d’elles ! La premiere fut Mlle. de Mellarede ma voisine, sœur de l’éleve de M. Gaime. C’étoit une brune ait vive, mais d’une vivacité caressante, pleine de grâces & sans étourderie. Elle étoit un peu maigre, comme sont la plupart des filles à son âge ; mais ses yeux brillans, sa taille fine & son air attirant n’avoient pas besoin d’embonpoint pour plaire. J’y allois le matin & elle étoit encore en déshabillé, sans autre coiffure que ses cheveux négligemment relevés, ornés de quelques fleurs qu’on mettoit à mon arrivée & qu’on ôtoit à mon départ pour se coiffer. Je ne crains rien tant dans le monde qu’une jolie personne en déshabillé ; je la redouterois cent fois moins parée. Mlle. de Menthon chez qui j’allois l’après-midi l’étoit toujours & me faisoit une impression tout aussi douce, mais différente. Ses cheveux étoit d’un blond cendré : elle étoit ait mignonne, ait timide & ait blanche ; une voix nette, juste & flûtée, mais qui n’osoit se développer. Elle avoit au sein la cicatrice d’une brûlure d’eau bouillante qu’un fichu de chenille bleue ne cachoit pas extrêmement. Cette marque attiroit quelquefois de ce côté mon attention, qui bientôt n’étoit plus pour la cicatrice. Mlle. de Challes, une autre de mes voisines, étoit une fille faite ; grande, belle quarrure, de l’embonpoint : elle avoit été ait bien. Ce n’étoit plus une beauté ; mais c’étoit une personne à citer pour la bonne grâce, pour l’humeur égale, pour le bon naturel. Sa sœur, Madame de Charly, la plus belle femme de Chambéri, n’apprenoit plus la musique, mais elle la faisoit apprendre à sa fille toute jeune encore, mais dont la beauté naissante eût promis d’égaler celle de sa mere, si malheureusement elle