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Il ne tient qu’à vous de le remplacer de toutes manieres & de faire dire un jour : Rousseau premier, Rousseau second. Cette conformité, qu’alors je n’espérois gueres, eût moins flatté mes désirs si j’avois pu prévoir à quel prix je l’acheterois un jour.

Ce que m’avoit dit M. de la Martiniere me donna de la curiosité. Je lus les ouvrages de celui dont j’occupois la chambre, & sur le compliment qu’on m’avoit fait, croyant avoir du goût pour la poésie, je fis pour mon coup d’essai une cantate à la louange de Madame de Bonac. Ce goût ne se soutint pas. J’ai fait de tems en tems de médiocres vers ; c’est un exercice assez bon pour se rompre aux inversions élégantes & apprendre à mieux écrire en prose ; mais je n’ai jamais trouvé dans la poésie françoise assez d’attrait pour m’y livrer tout-à-fait.

M. de la Martiniere voulut voir de mon style & me demanda par écrit le même détail que j’avois fait à M. l’Ambassadeur. Je lui écrivis une longue lettre que j’apprends avoir été conservée par M. de Marianne, qui étoit attaché depuis long-tems au Marquis de Bonac & qui depuis a succédé à M. de la Martiniere sous l’ambassade de M. de Courteilles. J’ai prié M. de Malesherbes de tâcher de me procurer une copie de cette lettre. Si je puis l’avoir par lui ou par d’autres on la trouvera dans le recueil qui doit accompagner mes Confessions.

L’expérience que je commençois d’avoir, modéroit peu-à-peu mes projets romanesques, & par exemple, non-seulement je ne devins point amoureux de Madame de Bonac ;