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j’ai parlé ci-devant. On pourroit donner pour Président à ce college le Primat ou un autre Evêque, en statuant au surplus qu’aucun autre ecclésiastique, fût-il évêque & Sénateur, ne pourroit y être admis.

Voilà, ce me semble, une marche assez bien graduée pour la partie essentielle & intermédiaire du tout, savoir la noblesse & les magistrats ; mais il nous manque encore les deux extrêmes, savoir le peuple & le Roi. Commençons par le premier jusqu’ici compté pour rien, mais qu’il importe enfin de compter pour quelque chose, si l’on veut donner une certaine force une certaine consistance à la Pologne. Rien de plus délicat que l’opération dont il s’agit ; car enfin, bien que chacun sente quel grand mal c’est pour la République que la nation soit en quelque façon renfermée dans l’ordre Equestre, & que tout le reste paysans & bourgeois soit nul, tant dans le Gouvernement que dans la législation, telle est l’antique constitution. Il ne seroit en ce moment ni prudent ni possible de la changer tout d’un coup ; mais il peut l’être d’amener par degrés ce changement, de faire sans révolution sensible, que la partie la plus nombreuse de la nation s’attache d’affection à la patrie & même au Gouvernement. Cela s’obtiendra par deux moyens ; le premier, une exacte observation de la justice, en sorte que le serf & le roturier n’ayant jamais à craindre d’être injustement vexés par le noble, se guérissent de l’aversion qu’ils doivent naturellement avoir pour lui. Ceci demande une grande réforme dans les tribunaux & un soin particulier pour la formation du Corps des avocats.