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rassemblent en campagne & forment successivement de petits camps dans lesquels on les exerce à toutes les manœuvres qui conviennent à l’infanterie. Tant qu’ils ne sortent pas du lieu de leur demeure, peu ou point détournés de leurs travaux, ils n’ont aucune paye, mais si-tôt qu’ils marchent en campagne ils ont le pain de munition & sont à la solde de l’Etat, & il n’est permis à personne d’envoyer un autre homme à sa place afin que chacun soit exercé lui-même & que tous fassent le service. Dans un Etat tel que la Pologne on peut tirer de ses vastes provinces de quoi remplacer aisément l’armée de la Couronne par un nombre suffisant de milice toujours sur pied, mais qui changeant au moins tous les ans & prise par petits détachemens sur tous les Corps seroit peu onéreuse aux particuliers dont le tour viendroit à peine de douze à quinze ans une fois. De cette maniere toute la nation seroit exercée, on auroit une belle & nombreuse armée toujours prête au besoin, & qui coûteroit beaucoup moins, sur-tout en tems de paix, que ne coûte aujourd’hui l’armée de la Couronne.

Mais pour bien réussir dans cette opération, il faudroit commencer par changer sur ce point l’opinion publique sur un état qui change en effet du tout au tout, & faire qu’on ne regardât plus en Pologne un soldat comme un bandit qui pour vivre se vend à cinq sous par jour, mais comme un citoyen qui sert la patrie & qui est à son devoir. Il faut remettre cet état dans le même honneur où il étoit jadis, & où il est encore en Suisse & à Geneve où les meilleurs bourgeois sont aussi fiers à leur Corps & sous les armes qu’à l’hôtel de ville & au conseil