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difficile & sur-tout moins agréable aux régisseurs, quand tous ces biens seront en nature & point en argent : mais il faut faire alors de cette régie & de son inspection autant d’épreuves de bon sens de vigilance, & sur-tout d’intégrité, pour parvenir à des places plus éminentes. On ne fera qu’imiter à cet égard l’administration municipale établie à Lyon, où il faut commencer par être administrateur de l’Hôtel-Dieu pour parvenir aux charges de la ville, & c’est sur la maniere dont on s’acquitte de celle-là qu’on fait juger si l’on est digne des autres. Il n’y avoit rien de plus integre que les Questeurs des armées Romaines, parce que la Questure étoit le premier pas pour arriver aux charges curules. Dans les places qui peuvent tenter la cupidité, il faut faire en sorte que l’ambition la réprime. Le plus grand bien qui résulte de-là n’est pas l’épargne des friponneries ; mais c’est de mettre en honneur le désintéressement, & de rendre la pauvreté respectable, quand elle est le fruit de l’intégrité.

Les revenus de la République n’égalent pas sa dépense ; je le crois bien ; les citoyens ne veulent rien payer du tout. Mais des hommes qui veulent être libres ne doivent pas être esclaves de leur bourse, & où est l’Etat où la liberté ne s’achete pas & même très-cher ? On me citera la Suisse ; mais, comme je l’ai déjà dit, dans la Suisse les citoyens remplissent eux-mêmes les fonctions que par-tout ailleurs ils aiment mieux payer pour les faire remplir par d’autres. Ils sont soldats, officiers, magistrats, ouvriers : ils sont tout pour le service de l’Etat, & toujours prêts à payer de leur personne ils n’ont pas besoin de payer encore de leur bourse. Quand les Polonois