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un air d’ordre & de règle qui inspire la confiance & qui écarte les idées de caprice & de fantaisie attachées à celle du pouvoir arbitraire. Il faut seulement éviter dans l’appareil des solemnités le clinquant le papillotage & les décorations de luxe qui sont d’usage dans les cours. Les fêtes d’un peuple libre doivent toujours respirer la décence & la gravité, & l’on n’y doit présenter à son admiration que des objets dignes de son estime. Les Romains dans leurs triomphes étaloient un luxe énorme ; mais c’étoit le luxe des vaincus, plus il brilloit, moins il séduisoit. Son éclat même étoit une grande leçon pour les Romains. Les rois captifs étoient enchaînés avec des chaînes d’or & de pierreries. Voilà du luxe bien entendu. Souvent on vient au même but par deux routes opposées. Les deux balles de laine mises dans la chambre des pairs d’Angleterre devant la place du chancelier, forment à mes yeux une décoration touchante & sublime. Deux gerbes de bled placées de même dans le Sénat de Pologne n’y feroient pas un moins bel effet à mon gré.

L’immense distance des fortunes qui sépare les seigneurs de la petite noblesse est un grand obstacle aux réformes nécessaires pour faire de l’amour de la patrie la passion dominante. Tant que le luxe régnera chez les Grands, la cupidité régnera dans tous les cœurs. Toujours l’objet de l’admiration publique sera celui des vœux des particuliers, & s’il faut être riche pour briller, la passion dominante sera toujours d’être riche. Grand moyen de corruption qu’il faut affoiblir autant qu’il est possible. Si d’autres objets attrayans,