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il le devoit à tout ce qu’exigeaient les lieux, le climat, le sol, les mœurs, le voisinage, & tous les rapporta particuliers du peuple qu’il avoit à instituer. Ce n’est pas qu’il ne reste encore une infinité de détails de police & d’économie, abandonnés à la sagesse du Gouvernement : mais il a toujours deux règles infaillibles pour se bien conduire dans ces occasions ; l’une est l’esprit de la loi qui doit servir à la décision des cas qu’elle n’a pu prévoir ; l’autre est la volonté générale, source & supplément de toutes les loix, & qui doit toujours être consultée à leur défaut. Comment, me dira-t-on, connoître la volonté générale dans les cas où elle ne s’est point expliquée ? Faudra-t-il assembler toute la nation à chaque événement imprévu ? Il faudra d’autant moins l’assembler, qu’il n’est pas sûr que sa décision fût l’expression de la volonté générale ; que ce moyen est impraticable dans un grand peuple, & qu’il est rarement nécessaire quand le Gouvernement est bien intentionné : car les chefs savent assez que la volonté générale est toujours pour le parti le plus favorable à l’intérêt publie, c’est-à-dire le plus équitable ; de sorte qu’il ne faut qu’être juste pour s’assurer de suivre la volonté générale. Souvent, quand on la choque trop ouvertement, elle se laisse appercevoir malgré le frein terrible de l’autorité publique. Je cherche le plus près qu’il m’est possible les exemples à suivre en pareil cas. À la Chine, le prince a pour maxime constante de donner le tort à ses officiers dans toutes les altercations qui s’élèvent entre eux & le peuple. Le pain est-il cher dans une province ? L’intendant est mis en prison : se fait-il dans une autre une émeute ?