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braves ; tous les Auteurs Chrétiens l’assûrent, & je le crois : c’étoit une émulation d’honneur contre les Troupes payennes. Dès que les Empereurs furent chrétiens cette émulation ne subsista plus, & quand la croix eut chassé l’aigle, toute la valeur romaine disparut.

Mais laissant à part les considérations politiques, revenons au droit, & fixons les principes sur ce point important. Le droit que le pacte social donne au Souverain sur les sujets ne passe point, comme je l’ai dit, les bornes de l’utilité publique [1]. Les sujets ne doivent donc compte au Souverain de leurs opinions qu’autant que ces opinions importent à la communauté. Or il importe bien à l’État que chaque Citoyen ait une Religion qui lui fasse aimer ses devoirs ; mais les dogmes de cette Religion n’intéressent ni l’État ni ses membres qu’autant que ces dogmes se rapportent à la morale, & aux devoirs que celui qui la professe est tenu de remplir envers autrui. Chacun peut avoir au surplus telles opinions qu’il lui plait, sans qu’il appartienne au Souverain d’en connoître. Car comme il n’a point de compétence dans l’autre monde, quel que soit le sort des sujets dans la vie à venir ce n’est pas son affaire, pourvu qu’ils soient bons citoyens dans celle-ci.

  1. (z) Dans la République, dit le M. d’A., chacun est parfaitement libre en ce qui ne nuit pas aux autres. Voilà la borne invariable ; on ne peut la poser plus exactement. Je n’ai pu me refuser au plaisir de citer quelque fois ce manuscrit quoique non connu du public, pour rendre honneur à la mémoire d’un homme illustre & respectable, qui avoit conservé jusques dans le Ministere le cœur d’un vrai citoyen, & des vues droites & saines sur le gouvernement de son pays.