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rissans, d’excellent goût : En France où ils ne sont nourris que d’eau ils ne nourrissent point, & sont presque comptés pour rien sur les tables. Ils n’occupent pourtant pas moins de terrein & coûtent du moins autant de peine à cultiver. C’est une expérience faite que les bleds de Barbarie, d’ailleurs inférieurs à ceux de France, rendent beaucoup plus en farine, & que ceux de France à leur tour rendent plus que les bleds du Nord. D’où l’on peut inférer qu’une gradation semblable s’observe généralement dans la même direction de la ligne au pole. Or n’est-ce pas un desavantage visible d’avoir dans un produit égal une moindre quantité d’aliment ?

À toutes ces différentes considérations j’en puis ajoûter une qui en découle & qui les fortifie ; c’est que les pays chauds ont moins besoins d’habitans que les pays froids, & pourroient en nourrir davantage ; ce qui produit un double superflu toujours à l’avantage du despotisme. Plus le même nombre d’habitans occupe une grande surface, plus les révoltes deviennent difficiles ; parce qu’on ne peut se concerter ni promptement ni secretement, & qu’il est toujours facile au Gouvernement d’éventer les projets & de couper les communications ; mais plus un peuple nombreux se rapproche, moins le Gouvernement peut usurper sur le Souverain ; les chefs déliberent aussi surement dans leurs chambres que le Prince dans son conseil, & la foule s’assemble aussi-tôt dans les places que les troupes dans leurs quartiers. L’avantage d’un Gouvernement tirannique est donc en ceci d’agir à grandes distances. À l’aide des points d’appui qu’il se donne sa force