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Nous avons vu que la puissance législative appartient au peuple, & ne peut appartenir qu’à lui. Il est aisé de voir au contraire, par les principes ci-devant établis, que la puissance exécutive ne peut appartenir à la généralité comme Législatrice ou Souveraine ; parce que cette puissance ne consiste qu’en des actes particuliers qui ne sont point du ressort de la loi, ni par conséquent de celui du Souverain, dont tous les actes ne peuvent être que des loix.

Il faut donc à la force publique un agent propre qui la réunisse & la mette en œuvre selon les directions de la volonté générale, qui serve à la communication de l’État & du Souverain, qui fasse en quelque sorte dans la personne publique ce que fait dans l’homme l’union de l’ame & du corps. Voilà quelle est dans l’État la raison du Gouvernement, confondu mal à propos avec le Souverain, dont il n’est que le ministre.

Qu’est-ce donc que le Gouvernement ? Un corps intermédiaire établi entre les sujets & le Souverain pour leur mutuelle correspondance, chargé de l’exécution des loix, & du maintien de la liberté, tant civile que politique.

Les membres de ce corps s’appellent Magistrats ou Rois, c’est-à-dire Gouverneurs, & le corps entier porte le nom de prince [1]. Ainsi ceux qui prétendent que l’acte par lequel un peuple se soumet à des chefs n’est point un contract, ont grande raison. Ce n’est absolument qu’une commission, un emploi dans lequel, simples officiers du Souverain, ils exer-

  1. (q) C’est ainsi qu’à Venise on donne au college le nom de sérénissime Prince, même quand le Doge n’y assoste pas.