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assigner même les qualités qui donneront droit à ces classes, mais elle ne peut nommer tels & tels pour y être admis ; elle peut établir un Gouvernement royal & une succession héréditaire, mais elle ne peut élire un roi ni nommer une famille royale ; en un mot toute fonction qui se rapporte à un objet individuel n’appartient point à la puissance législative.

Sur cette idée on voit à l’instant qu’il ne faut plus demander à qui il appartient de faire des loix, puisqu’elles sont des actes de la volonté générale ; ni si le Prince est au dessus des loix, puisqu’il est membre de l’État ; ni si la loi peut être injuste, puisque nul n’est injuste envers lui-même ; ni comment on est libre & soumis aux loix, puisqu’elles ne sont que des régistres de nos volontés.

On voit encore que la loi réunissant l’universalité de la volonté & celle de l’objet, ce qu’un homme, quel qu’il puisse être, ordonne de son chef n’est point une loi ; ce qu’ordonne même le Souverain sur un objet particulier n’est pas non plus une loi mais un décret, ni un acte de souveraineté mais de magistrature.

J’appelle donc République tout État régi par des loix, sous quelque forme d’administration que ce puisse être : car alors seulement l’intérêt public gouverne, & la chose publique est quelque chose. Tout Gouvernement légitime est républicain [1] : j’expliquerai ci-après ce que c’est que Gouvernement.

  1. (i) Je n’entends pas seulement par ce mot une Aristocratie ou une Démocratie, mais en général tout gouvernement guidé par la volonté générale, qui est la loi. Pour être légitime il ne faut pas que le Gouvernement se confonde avec le Souverain, mais qu’il en soit le ministre : alors la monarchie elle-même est république. Ceci s’éclaircira dans le livre suivant.