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de nos politiques ; après avoir démembré le corps social par un prestige digne de la foire, ils rassemblent les pieces on ne sait comment.

Cette erreur vient de ne s’être pas fait des notions exactes de l’autorité souveraine, & d’avoir pris pour des parties de cette autorité ce qui n’en étoit que des émanations. Ainsi, par exemple, on a regardé l’acte de déclarer la guerre & celui de faire la paix comme des actes de souveraineté, ce qui n’est pas ; puisque chacun de ces actes n’est point une loi mais seulement une application de la loi, un acte particulier qui détermine le cas de la loi, comme on le verra clairement quand l’idée attachée au mot loi sera fixée.

En suivant de même les autres divisions, on trouveroit que toutes les fois qu’on croit voir la souveraineté partagée on se trompe, que les droits qu’on prend pour des parties de cette souveraineté lui sont tous subordonnés, & supposent toujours des volontés suprêmes dont ces droits ne donnent que l’exécution.

On ne sauroit dire combien ce défaut d’exactitude a jetté d’obscurité sur les décisions des auteurs en matiere de droit politique, quand ils ont voulu juger des droits respectifs des rois & des peuples, sur les principes qu’ils avoient établis. Chacun peut voir dans les chapitres III & IV du premier livre de Grotius comment ce savant homme & son traducteur Barbeyrac s’enchevêtrent s’embarrassent dans leurs sophismes, crainte d’en dire trop ou de n’en dire pas assez selon leurs vues, & de choquer les intérêts qu’ils avoient à concilier. Grotius, refugié en France, mécontent de sa patrie, & voulant faire sa cour à Louis XIII à qui son livre est dédié, n’épargne