CHAPITRE II.
Que la souveraineté est indivisible.
Par la même raison que la souveraineté est inaliénable, elle est indivisible. Car la volonté est générale
[1], ou elle ne l’est pas ; elle est celle du corps du peuple, ou seulement d’une partie. Dans le premier cas cette volonté déclarée est un acte de souveraineté & fait loi : Dans le second, ce n’est qu’une volonté particuliere, ou un acte de magistrature ; c’est un décret tout au plus.
Mais nos Politiques ne pouvant diviser la souveraineté dans son principe, la divisent dans son objet ; ils la divisent en force & en volonté, en puissance législative & en puissance exécutive, en droits d’impôts, de justice, & de guerre, en administration intérieure & en pouvoir de traiter avec l’étranger : tantôt ils confondent toutes ces parties & tantôt ils les séparent ; ils font du Souverain un être fantastique & formé de pieces rapportées ; c’est comme s’ils composoient l’homme de plusieurs corps dont l’un auroit des yeux, l’autre des bras, l’autre des pieds, & rien de plus. Les charlatans du Japon dépecent, dit-on, un enfant aux yeux des spectateurs, puis jettant en l’air tous ses membres l’un après l’autre, ils font retomber l’enfant vivant & tout rassemblé. Tels sont à peu près les tours de gobelets
- ↑ (e) Pour qu’une volonté soit générale il n’est pas toujours nécessaire qu’elle soit unanime, mais il est nécessaire que toutes les voix soient comptées ; toute exclusion formelle rompt la généralité.