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de substance de l’air & de l’eau qu’ils n’en tirent de la terre, il arrive qu’en pourrissant ils rendent à la terre plus qu’ils n’en ont tiré ;d’ailleurs une forêt détermine les eaux de la pluie en arrêtant les vapeurs. Ainsi dans un bois que l’on conserveroit bien long-tems sans y toucher, la couche de terre qui sert à la végétation augmenteroit considérablement ; mais les animaux rendant moins à la terre qu’ils n’en tirent, & les hommes faisant des consommations énormes de bois & de plantes pour le feu & pour d’autres usages, il s’ensuit que la couche de terre végétale d’un pays habité, doit toujours diminuer & devenir enfin comme le terrain de l’Arabic Pétrée, & comme celui de tant d’autres provinces de l’orient, qui est en effet le climat le plus anciennement habite, où l’on ne trouve que du sel & des sables ; car le sel fixe des plantes & des animaux reste, tandis que toutes les autres parties se volatilisent. M. de Buffon, Hist. Nat."

On peut ajouter à cela la preuve de fait par la quantité d’arbres & de plantes de toute espece, dont étoient remplies presque toutes les Iles désertes qui ont été découvertes dans ces derniers siecles, & parce que l’histoire nous apprend des forêts immenses qu’il a falu abattre par toute la terre à mesure qu’elle s’est peuplée ou policée. Sur quoi je ferai encore les trois remarques suivantes. L’une, que, s’il y a une sorte de végétaux qui puissent compenser la déperdition de matiere végétale qui se fait par les animaux, selon le raisonnement de M. de Buffon, ce sont sur-tout les bois, dont les têtes & les feuilles rassemblent & s’approprient plus d’eaux & de vapeurs que ne font les autres plantes. La seconde, que la destruction du sol, c’est-à-dire, la perte de la substance propre à la végétation, doit s’accélérer à proportion que