Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

PREMIÈRE PARTIE


CONSIDÉRATION GÉNÉRALE


La Situation avantageuse de l’île de Corse, et l’heureux naturel de ses habitants, semble leur offrir un espoir raisonnable de pouvoir devenir un peuple florissant, et figurer un jour dans l’Europe, si dans l’institution qu’ils méditent, ils tournent leurs vues de ce côté-là. Mais l’extrême épuisement où les ont jetés quarante années de guerres continuelles, la pauvreté présente de leur île et l’état de dépopulation et de dévastation où elle est, ne leur permet pas de se donner sitôt une administration dispendieuse, telle qu’il la faudrait pour les policer dans cet objet. D’ailleurs, mille obstacles invincibles s’opposeraient à l’exécution de ce plan. Gênes, maîtresse encore d’une partie de la côte et de presque toutes les places maritimes, écraserait mille fois leur marine naissante, sans cesse exposée au double danger des Génois et des Barbaresques. Ils ne pourraient tenir la mer qu’avec des bâtiments armés qui leur coûteraient dix fois plus que le trafic ne leur pourrait rendre. Exposés sur terre et sur mer, forcés de se garder de