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Livourne et quand vous pourrez passer en Corse. J’attends ce moment avec beaucoup d’impatience.

Je vous embrasse de tout mon cœur, et suis très-parfaitement, monsieur, etc.

LETTRE IX

J. J. ROUSSEAU A M. DE BUTTAFUOCO.
Motiers, 26 mai 1765

La crise orageuse que je viens d’essuyer, monsieur, et l’incertitude du parti qu’elle me ferait prendre, m’ont fait différer de vous répondre et de vous remercier jusqu’à ce que je fusse déterminé. Je le suis maintenant par une suite d’événements qui, m’offrant en ce pays sinon la tranquillité, du moins la sûreté, me font prendre le parti d’y rester sous la protection déclarée et confirmée du roi et du gouvernement. Ce n’est pas que j’aie perdu le plus vrai désir de vivre dans le vôtre, mais l’épuisement total de mes forces, les soins qu’il faudrait prendre, les fatigues qu’il faudrait essuyer, d’autres obstacles encore qui naissent de ma situation, me font, du moins pour le moment, abandonner mon entreprise, à laquelle, malgré ces difficultés, mon cœur ne peut se résoudre à renoncer tout à fait encore. Mais, mon cher monsieur, je vieillis, je dépéris, les forces me quittent, le désir s’irrite et l’espoir s’éteint.

Quoi qu’il en fût, recevez et faites recevoir à M. Paoli mes plus vifs, mes plus tendres remerciments de l’asile