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encore barbares, nous ne le sommes pas. Ils apprendront du moins de nous à respecter la vertu opprimée.

Au reste, monsieur, vous serez libre en Corse et dégagé de vos engagements ; vous fournirez la tâche qui vous conviendra le plus ; elle sera nulle si vous voulez. Je ne suis point en peine que vous vous fassiez aimer. Tous les étrangers, en général, sont bien vus dans ce pays ; on ne s’informe pas quelle religion ils professent. Les prêtres y sont dans une heureuse ignorance, les moines encore plus. Ils n’ont aucune influence dans les affaires, et hors de leur confessionnal ils n’ont aucune sorte de crédit ; ainsi, de ce côté-là aussi, vous pouvez être très-tranquille.

Quant à votre voyage, je crois, monsieur, qu’il faut vous rendre à Livourne ; vous pourrez vous adresser à M. le comte de Rivalora, consul général du roi de Sardaigne, en Toscane. Il est Corse, il est de mes amis ; honnête, sage, discret et très-bon patriote. J’espère que vous en serez content. Il vous procurera toutes les facilités pour vous rendre en Corse, avec votre gouvernante et votre bagage. Faites, je vous prie, en sorte de venir débarquer à Foce de Golo, près le village que j’habite. Vous voudrez bien y accepter un mauvais gîte, offert de bon cœur, jusqu’à ce qu’on puisse vous procurer celui que vous désirez ; mais je dois vous prévenir que si vous voulez tenir votre ménage, il est nécessaire de porter avec vous de quoi vous coucher, des ustensiles de cuisine et du linge de toute espèce, parce que l’on est sans ressources dans ce pays pour se procurer ces choses. Je vous prie, monsieur, de me donner avis du temps que vous comptez partir, afin que nous puissions savoir positivement quand vous serez à