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456 LETTRES INÉDITES.

maison, ne peut sentir comme moi la nécessité d’en sortir. Son cœur noble et bienfaisant sent combien ses bontés me sont utiles, mais il ne peut sentir à quel-prix on me les fait payer. Madame la maréchale craint que tous ces tra- cas ne rimpatientent ; je le crains aussi, et cette crainte est une des raisons pressantes qui me font désirer d’en sortir, ’Ct très-promptement, car encore faut-il qu’une porle soit ouverte ou fermée ; personne au monde ne sent aussi vive- ment que moi les terribles conséquences de mon départ d’ici. Je ne vous dissimulerai pas que je me regarde comme un homme perdu du moment que je mettrai les pieds hors de ce château. Tout ce que je puis répondre à cela, c’est qu’il est impossible que j’y reste. Je puis tout supposer, hormis l’opprobre ; tant qu’il me poursuivra, je fuirai toujours, fut-ce au fond d’un précipice, fut-ce au milieu d’un bûcher. Au reste je m’étonne que, sur le danger que voit pour moi Son Altesse à rester dans le royaume, vous n’ayez rien dit du parti d’en sprtir ; c’était une réplique toute naturelle, et qui, ce me semble, terminerait tout. Encore un coup, de quelques bontés que m’honore M. le prince de C...., et quelque supérieures que soient ses lu- mières, il est impossible q^ue, d’une place si élevée, il puisse se mettre à la mienne et voir de si petits objets tels qu’ils sont.

Ma dernière espérance n’est pas éteinte, tant que ma- dame de Verdelin veut bien s’intéresser à moi. J’ai la conviction la plus intime que, si je puis encore attendre /juelque liberté et quelque tranquillité sur la terre, c’est à elle que je les devrai. Il ne s’agit que de m’éclairer sur mon état, me dire ce qu’il m’est permis ou prescrit de faire. Puis-je me choisir une demeure au loin dans le