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402 LETTRES INÉDITES.

poinl, puisque vous me la demandez, me coûtera moins à vous dire, et vous Tenfendrez plus paisiblement.

Vos idylles sont une imitation, et vous avez imité jusqu’au style ; or il y a des genres dans lesquels on imite avec honneur ; mais dans le genre pastoral, quand l’imita teur reete au-dessous de son modèle, il n’est rien.

Vous n’atteignez jamais le vôtre : quand vous philosophez, passe ; mais quand vous peignez, quand vous écrivez, vous voyez moins l’objet que vous avez à peindre, ou la chose que vous avez à dire, que Texemple que vous voulez suivre. Vous croyez imiter et vous copiez. J’aime mieux la Rulh de la Bible que la vôtre ; oh fi! d’une Ruth qui se parfume...

Daphrié n’est pas Daphné, c’est la Sulamile requinquée et pomponnée, une précieuse qui fait des phrases et des pé- riodes, qui pis est : « Aujourd’hui que j’étais dans ces prai- ries verdoyantes coupées de ruisseaux et couvertes en quelques endroits par d’épais feuillages, le poids du jour m’a accablée ; je me suis couchée sur un lit de gazon, et, fermant mes yeux à la lumière, je cherchais au dedans de moi l’image de ce que j’aime, dont les traits y sont profondé- ment gravés, à travers les nuagesd’unléger sommeil...» Ah, respirons I Voyez si vous trouverez dans le Cantique des Can- tiques rien qui fatigue ainsi les poumons ; voyez si vous y trouverez ({^5 lits de gazon, ni limage de ce quon aimej ni les nuages d-un léger sommeil. Il n’y a pas dans ce long pas- sage un seul mot qui ne décèle un auteur français ; vous croyez faire valoir vos pièces les unes par les autres en les

pour se faire poëte et pour apprendre le métier de menuisier. Rousseau répond ici à Saint-Brisson au sujet de ses Idylles françaises, essai poétique que celui-ci avait envoyé au philosophe en lui demandant des conseils.

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