Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernerait jusqu’au moment où la République serait en mesure de lui rembourser les avances que lui aurait coûtées cette conquête ; or il fallait plus de trente mille hommes pour soumettre l’île et la désarmer, et pendant plusieurs années il fallait y maintenir de nombreuses garnisons, ce qui devait nécessairement monter à des sommes que la république de Gènes ne pourrait ni ne voudrait rembourser.

« Les deux parties contractantes le comprenaient bien ainsi, mais les oligarques croyaient par cette stipulation mettre à couvert leur honneur, et déguiser ainsi l’odieux qui rejaillissait sur eux aux yeux de toute l’Italie, de leur voir céder de gaieté de cœur, à une puissance étrangère, une partie du territoire, Choiseul voyait dans cette tournure un moyen de faire prendre le change à l’Angleterre.

« Le ministre français fit ouvrir une négociation avec Paoli ; il lui demandait qu’il portât son pays à se reconnaître sujet du roi, et, conformément aux vœux que de plus anciennes consultes avaient quelquefois manifestés, qu’il se reconnût librement province du royaume. Pour prix de cette condescendance, on offrait à Paoli, fortune, honneur ; et le caractère grand et généreux du ministre avec lequel il traitait ne pouvait lui laisser aucune inquiétude sur cet objet. Il rejeta toutes les offres avec dédain, convoqua la consulte et lui exposa l’étal critique des affaires ; ne dissimulant pas qu’il était impossible de résister aux forces de la France et qu’il n’avait qu’une espérance vague, mais rien de positif sur l’intervention de l’Angleterre ; il n’y eut qu’un cri : La liberté ou la mort !….. On paraissait surtout indigné de ce que la France, qui avait été souvent médiatrice dans la querelle des Corses avec Gênes, après avoir toujours pro-