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340 FRAGMENT BIOGRAPHIQUE.

hommes, ait pu croire sa gloire intéressée à la prétention d’une musique insupportable à toute oreille non prévenue, et d’un talent que lui refusent à la fois sa propre langue, la raison, la nature, l’oreille et le jugement unanime de tous les peuples du monde.

À l’occasion de cette lettre sur la musique française, le public se vit inondé d’écrits polémiques d’un nouveau genre. ; je connus bientôt la différence qu’il y avait de cette querelle à la précédente, et du ton des gens de lettres à celui des musiciens. Je me gardai de rentrer dans une dispute où il était question de tout, hors de la question, et qui me paraissait plus du ressort de la police que de celui du raisonnement. En effet, comment prouver aux autres que je n’étais pas un sot, une bête, un ignorant, moi qui aurais été fort embarrassé de me le bien prouver à moi- même ?

Parmi tous ces libelles il parut quelques brochures que les ennemis d’un célèbre artiste osèrent lui attribuer : une entre autres qui contenait quelques vérités, et dont le titre commençait par ces mots : Erreurs sur la musique. L’auteur, quelque mauvais plaisant sans doute, y critiquait assez malignement l’obscurité des écrits de ce grand musicien. Il me reprochait comme un crime de me faire entendre ; il donnait cette clarté pour preuve de mon ignorance ; et, pour preuve du grand savoir de M. Rameau, ses raisonnements ténébreux, d’autant plus utiles selon l’auteur, que moins de gens les comprennent ; d’où il suit que le philosophe qui a daigné mettre en évidence le système si savamment caché dans les écrits de M. Rameau, n’étale pas moins d’ignorance dans ses lumineux éléments de musique que moi dans mes articles de l'Encyclopédie.