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suis très-sûr qu’ils traiteront d’exagération mon dédain pour ces objets de leur admiration et de leurs travaux ; mais j’aime mieux essuyer leurs railleries que de partager leurs fautes, et quoi qu’il en puisse être de leur devoir, le mien est de leur dire la vérité, ou ce que je prends pour l’être. C’est à une voix plus puissante qu’il appartient de la leur faire aimer. J’ai supporté paisiblement les invectives d’une multitude d’auteurs à qui je n’ai jamais fait d’autre mal que de les exhorter à devenir gens de bien. Ils se sont égayés tout à leur aise à mes dépens ; ils m’ont fait aussi ridicule qu’ils ont voulu ; ils se sont publiquement déchaînés contre mes écrits et même contre ma personne, sans que jamais j’aie été tenté de repousser leurs outrages autrement que par ma conduite. Si je les ai mérités, je n’aurais pu me venger qu’en cherchant à les leur rendre, et, bien loin de me plaire à cette odieuse guerre, plus j’aurais trouvé de vérités à dire, et plus mon cœur en eût été attristé. Si je ne mérite pas leurs injures, c’est à eux seuls qu’ils en ont dit. Peut-être même leur animosité aura-t-elle difficilement dans le public l’effet qu’ils s’en sont promis et dont je ne me soucie guère ; l’extrême passion est souvent maladroite et avertit de s’en défier. Peut-être, sur leurs propres écrits, m’estimera-t-on meilleur que je ne suis en effet, quand on verra qu’avec tant d’ardeur à me noircir, le plus grand crime qu’ils aient trouvé à me reprocher est d’avoir souffert qu’un artiste illustre fit mon portrait.

Il s’en faut beaucoup que je sois capable du même sang-froid envers ceux qui, laissant ma personne à quartier, attaquent avec quelque adresse les vérités que j’ai établies. Ce triste et grand système, fruit d’un examen sincère de