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^ SUR LWBBÉ DE SAINT-PIERRE. 51!

leur répéter cent fois la même chose pour qu’ils la re- tiennent ; mais un enfant, à qui on dit la même chose deux fois, bâille la seconde et n’écoute plus si on ne Ty force. Or comment force-t-on les grands enfants d’écouter, si ce n’est par le plaisir de la lecture ? » L’abbé de Saint-Pierre, en négligeant de plaire aux lecteurs, allait donc contre ses propres principes.

S’il daignait répondre à toutes les objections, ce n’est pas qu’il n’en vît très-bien la futilité. Mais son objet était de réussir et non de briller ; il fallait donc répondre avec autant de soin aux petits esprits, dont dépend presque toujours le succès des bonnes entreprises, qu’aux grands qui ne font souvent que les approuver.

Il avait tant de plaisir à voir marcher sa machine qu’à peine songeait-il aux moyens de la faire aller. Son imagi- nation trompait perpétuellement sa raison ; il démontrait, il est vrai, mais il ne démontrait que les effets d’une cause impossible à produire et raisonnait très-bien sur de faux principes.

C’eût été un homme très-sage s’il n’eût eu la folie de la raison ; il semblait ignorer que les princes, comme les au- tres hommes, ne se mènent que par leurs passions et ne raisonnent que pour profiter des sottises qu’elles leur font faire.