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traité en vertu duquel il envoyait des troupes en Corse. « Jugeant impossible et ridicule de travailler à un ouvrage qui demande un aussi profond repos que l’institution d’un peuple, au moment où il allait peut-être être subjugué, » il exprima ses inquiétudes à M. Buttafuoco ; celui-ci le rassura en lui disant que s’il y avait dans le traité des clauses attentatoires à la liberté de son pays, il ne resterait pas, comme il le faisait, au service de France. En effet, les liaisons étroites entre cet officier corse et Paoli ne pouvaient faire suspecter sa fidélité ; mais, d’un autre côté, il faisait de fréquents voyages à la cour de France, et ses relations avec M. le duc de Choiseul étaient remarquées. Rousseau crut qu’il avait des données certaines sur les véritables intentions du gouvernement français, et que ces intentions n’avaient rien d’hostile. Cependant, comme il y avait du louche dans cette conduite, et qu’il lui paraissait absurde de supposer que les troupes françaises allaient en Corse pour protéger la liberté du pays, il exigea des preuves solides qu’il ne se moquait pas de lui dans la demande qu’on lui faisait d’une constitution pour cette île. Il voulut en conséquence avoir une entrevue avec M. Buttafuoco, qui, de son côté, paraissait la désirer. Mais il fallait, pour qu’elle eût lieu, que Rousseau se rendit en Corse, où se trouvait alors le négociateur. Jean-Jacques, qui sentait que c’était en étudiant sur les lieux mêmes les mœurs et les habitudes des insulaires, qu’il se procurerait le plus de données pour l’exécution du projet, s’occupa des moyens de faire un voyage dans ce pays. Ce fut dans ces entrefaites que commencèrent les persécutions causées par les lettres de la Montagne, qui venaient d’être publiées (fin de 1764).

À juger par l’événement, on pourrait suspecter la con-