MON PORTRAIT
Je vois que les gens qui vivent le plus intimement avec moi ne me connaissent pas, et qu*ils attribuent la plupart de mes actions, soit en bien, soit en mal, à de tout autres motifs qu’à ceux qui les ont produites. Cela m’a fait penser que la plupart des caractères et des portraits qu’on trouve dans les historiens ne sont que des chimères, qu’avec de l’esprit un auteur rend aisément vraisemblables et qu’il fait rapporter aux principales actions d’un homme, comme un peintre ajuste sur les cinq points une figure imaginaire. Je ne prétends pas faire plus de grâce aux autres qu’à moi, car, ne pouvant me peindre au naturel sans les peindre eux- mêmes, je ferai si l’on veut comme les dévotes catholiques, je me confesserai pour eux et pour moi.
J’étais fait pour être le meilleur ami qui fût jamais, mais celui qui devait me répondre est encore à venir. À présent, je suis dans l’âge où le cœur commence à se refermer et ne s’ouvre plus aux amitiés nouvelles. Adieu donc, doux