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ou LA VIE DE CLAUDE NOYER. 277

lieu et réunir à elle seule tous les soins des garçons à ma- rier. Mais le marquis d’Argentière anîva avec son fils, et «est le sort des gentilshommes d’être partout des trouble- fêtes. Le courtisan blasé oublia la goutte à l’aspect de la jeune Claire, c’était le nom de ma sœur ; il l’agaça, lui fit des promesses et des propositions avec plus d’ardeur d’être pris au mot que de faculté pour s’en prévaloir, et, la tête lui tournant tout à fait, il lui prodigua toutes les galante- ries de la vieille cour, et il en fut toujours traité comme un vieux fou qui n’était bon qu’à la faire rire. Elle riait aussi avec le fils ; mais celui-ci prétendait quelquefois pous- ser le jeu trop loin, recevait des corrections dont il gardait le souvenir plus d’un jour et qui lui apprirent que les vil- lageoises ont communément, pour cette sorte de défense, une autre méthode et plus de vigueur que les femmes de la ville. Cependant mon père et ma mère, s’apercevanl que ces jeux si fréquents pouvaient dégénérer en querelles, firent plusieurs fois à ma sœur des leçons doiit, à dire la vérité, elle ne tint pas grand compte, et tout alla à peu près comme auparavant. Les jeux continuèrent avec la même liberté, ce qui aurait dû suffire pour leur prouver que ce n’étaient en effet que des jeux ; mais les bonnes gens ne se piquaient pas de tant de raffinement ; ils s’alar- mèrent tout de bon ; ils firent des réprimandes sévères. Claire pleura, promit tout ce qu’on voulut, et deux heures après recommença ses folies, soit avec le jeune d’Argen- tière, soit avec le premier venu, car tout le monde était bon pour cela et personne n’était préféré ; c’est qu’elle sui- vait son humeur naturelle, sans qu’aucun goût particulier s’en mêlât. Ainsi, mes parents auraient dû bénir le ciel de ce qui faisait le sujet de leur inquiétude. On l’a dit mille