LE PETIT SAVOYARD
OU
LA VIE DE CLAUDE NOYER
Je suis né dans les montagnes de Savoie. Mon père était un bon paysan, assez riche pour vivre commodément dans son état, trop pauvre pour être exposé aux tourments de la convoitise ; car on ne saurait désirer bien ardemment ce qu’on juge impossible à acquérir ; heureux non-seulement d’avoir le nécessaire, mais surtout de ne l’avoir que par son travail qui l’empêchait de songer au superflu.
Le ciel semblait m’ avoir destiné à être comme lui un honnête laboureur. Le premier et le plus grand des maux que m’a fait la fortune^ c’est d’avoir trompé ma vo- cation. Chaque pas que j’ai fait dans le monde m’a éloigné de l’innocence et du bonheur. Dans mon hameau, j’aurais peut-être moins étudié les devoirs de l’homme, mais je les aurais mieux suivis ; et, au lieu d’être réduit à regretter une vie agitée et tumultueuse et à sentir, dans ma vieil-