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256 FRAGMENTS

pays dont la température se fait sentir dans le leur. Si ï^écliptique se fût confondu avec Téquateur, peut-être n’y eût-il jamais eu d’émigration de peuple, et chacun, faute de pouvoir supporter un autre climat que celui où il était né, n’en serait jamais sorti. Incliner du doigt l’axe du monde ou dire à l’homme : Couvre la terre et sois sociable, ce fut la même chose pour Celui qui n’a besoin ni de main pour agir ni de voix pour parler.

Sous l’équateur, dont le soleil s’éloigne peu, et où les jours sont toujours égaux et aux miite et entre eux, l’hi- ver et l’été, marqués seulement par des alternatives de soleil et de pluie, font sentir à peine quelque différence de température. Mais, plus on s’éloigne de la ligne, plus la différence et des jours et des saisons augmente. Les nuils deviennent plus grandes et plus froides, les hivers plus longs et plus rudes à mesure qu’on approche des pôles. La chaleur ne diminue pas en même proportion, sans quoi la terre n’en aurait bientôt plus pour produire. Les étés sont courts mais ardents dans les pays septentrionaux ; le blé s’y sème et s’y coupe dans l’espace de deux mois ; en- core dans ce court espace les nuits sont si froides, qu’on n’y doit compter pour été que le temps où le soleil est sur l’horizon, toutes les vingt-quatre heures on passe alterna- tivement de l’hiver à l’été.

De ces observations, il s’ensuivi’ait que les peuples des climats chauds, dont la température est peu variée, seraient moins propres aux émigrations que les peuples des climats froids, qui, jusqu’à certain point, ont chez eux deux excès. Je sais que l’opinion commune est, au contraire, que les habitants du Nord supportent moins le séjour des pays chauds que ces derniers le séjour des pays froids. On voit