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DES INSTITUTIONS POLITIQUES. 249

est riche en argent, plus il doit y avoir de pauvres, et plus les pauvres y doivent souffrir.

Or, puisque le commerce et les arts ne sont dans une nation qu’une preuve de besoins, et que l’argent n’est point une preuve de véritable richesse, il s’ensuit que la réunion de toutes ces choses n’est point non plus une preuve de bonheur.

Pour écarter d’autres dénombrements inutiles, il faut distinguer les moyens que les particuliers emploient à tâ- cher de se rendre heureux, chacun selon son caractère et ses inclinations, de ceux que le corps de la société peut mettre en usage pour le même but ; car, comme la société ne peul prévoir ni satisfaire les différents désirs de ceux qui la composent, elle ne se charge point de ce soin, mais seulement de pourvoir à la défense et à la sûreté com- munes, et, à l’égard de la subsistance, de mettre les parti- culiers à portée de pourvoir par eux-mêmes à leurs besoins ; de sorte que les engagements que la confédération peut prendre envers les confédérés se réduisent à deux points : la paix et l’abondance. Pourvu que sous ce mot de paix on entende non-seulement la santé, qui fait la paix au dedans, mais aussi la liberté, sans laquelle il n’y a aucune paix véritable, car la tyrannie et l’esclavage sont manifes- tement un état de guerre, et il est aisé de démontrer qu’un esclave qui tue son maître ne pèche en cela ni contre la loi naturelle,^ni même contre le droit des gens.

À l’égard de Tabondance, je n*entends pas par ce mot une situation où quelques particuliers regorgent de toutes choses, tandis que tout le reste du peuple est contraint de recourir à eux pour en recevoir sa subsistance au prix qu’il leur plait d’y mettre ; ni cet autre état hypothétique