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DES INSTITUTIONS POLITIQUES. 23i

former d’honnêtes gens ; tant que les lois s’arrêteront aux actions et qu’elles ne diront rien à la volonté, elles seront toujours mal observées, parce que, avec quelque sagesse qu’elles soient conçues, la mauvaise intention donne toujours des lumières suffisantes pour apprendre à les éluder.

Un Lacédémonien interrogé par un étranger sur la peine infligée par Lycurgue aux parricides, lui répondit qu’on les obligeait de paître un bœuf qui du sommet du mont Tégète pût boire dans l’Eurotas : « Comment, s’écria l’étranger, serait-il possible de trouver un tel bœuf ? — Plus aisément, reprit le Lacédémonien, qu’un parricide à Sparte. »

La terreur peut contenir les scélérats, mais ce n’est ja- mais par les grands crimes que commence la corruption d’un peuple, et c’est à prévenir ces commencements qu’il faut employer toute la force des lois. Voilà le principe sur lequel il faut juger de ce que peuvent les lois, non-seule- ment pour épouvanter le vice, mais aussi pour encoura- ger la vertu. Je sais que le premier prix des bonnes actions est le plaisir de les avoir faites ; mais les hommes ne con- naissent ce plaisir qu’après l’avoir goûté, et il leur faut des motifs plus sensibles pour leur donner la première habi- tude de bien faire. Ces motifs sont les récompenses bien choisies et encore mieux distribuées, sans quoi, loin d’ho- norer la vertu, elles ne feraient qu’exciter l’hypocrisie et nourrir l’avarice ; ce choix et cette distribution sont le chef-d’œuvre du législateur. Un mauvais précepteur ne