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DE SPHÈRE. 193

masque, et à ne pas croire avoir assez connu la nature hu- maine en voyant les hommes qui sont autour de nous*

CHAPITRE II

Avant de chercher Torigine du genre humain, jetons un coup d’œil sur sa demeure, elle est digne de quelques regards. La demeure de l’homme et de tous les animaux, cette terre couverte de tant d’arbres et de plantes, de tant de montagnes et de vallées, de tant de rochers et de mers, ce vaste monde sans borne et sans bout, est à nos yeui matériels, une habitation bien grande, mais bien petite aux yeux de notre raison, quand ils commencent à s’ouvrir. Dans rimmense espace des airs, dans cette étendue ef- frayante où l’imagination se noie, je me transporte par la pensée dans quelqu’une de ces masses énormes et lumi- neuses qui roulent majestueusement sur nos tètes, et j’a- perçois de loin un grain de sable qui flotte dans cette mer aérienne : il échappe à ma vue par sa petitesse, il me faut des lunettes pour l’apercevoir ; je demande en riant s’il y a des cirons assez petits pour habiter sur ce grain de sable. Sans doute, me dit un philosophe du lieu, il est couvert de je ne sais quels petits insectes qui s’appellent hommes, et qui en ont divisé la surface en régions, en nations, en provinces ; ils y ont bâti des villes et des bourgs ; ils y ont fondé des empires et des républiques ; ils y ont établi des rois, des magistrats, des grands ; ils y ont érigé des tribu- naux ; ils y ont formé des académies, des universités, où Ion discute gravement si nous autres qui sommes ici, nous sommes quelque chose oi ; rien. — Voilà, reprends-je,