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176 MORCEAU ÀLLÉGORIULE

phie. À rinstant, toutes les énigmes qui Favaient si fort inquiété s’éclaircirent à son esprit. Le cours des cieux, la magnificence des astres, la parure de la terre, la successk)n des êtres, les rapports de convenance et d*utilité qu’il re- marquait entre eux, le mystère dp Forganisation, celui de la pensée, en un mot, le jeu de la machine entière^ tout devint pour lui possible à concevoir comme l’ouvrage d’un être puissant, directeur de toutes choses ; et s’il lui restait quelques difficultés qu’il ne pût résoudre, leur solution lui paraissant plutôt au-dessus de son entendement que con- traire à sa raison, il s’en fiait au sentiment intérieur qui lui parlait avec tant d’énergie en faveur de sa découverte, préférablement à quelques sophismes embarrassants qui ne tiraient leur force que de la faiblesse de son esprit.

À ces grandes et ravissantes lumières, son âme, saisie d’admiration et s’ élevant pour ainsi dire au niveau de l’ob- jet qui l’occupait, se sentit pénétrer d’une sensation vive et délicieuse : une étincelle de ce feu divin qu’elle avait aperçue semblait lui donner une nouvelle vie ; transporté de respect, de reconnaissance et de zèle, il se lève précipi- tamment ; puis, élevant les yeux et les mains vers le ciel et s’inclinant ensuite la face contre terre, son cœur et sa bouche adressèrent à l’Être divin le premier et peut-être le plus pur hommage qu’il ait jamais reçu des mortels.

Embrasé de ce nouvel enthousiasme, il en eût voulu communiquer l’ardeur à toute la nature, il eût voulu sur- tout le partager avec ses semblables, et ses pensées les plus délicieuses roulaient sur les projets de sagesse et de félicité qu’il se proposait de faire adopter aux hommes en leur montrant, dans les perfections de leur commun auteur, la source des vertus qu’il devait acquérir, et dans ses