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les exactions, à tous les monopoles, à toutes les friponneries ordinaires aux gens en place en pareil cas.

On doit s’attendre à beaucoup d’embarras en commençant, mais ces embarras sont inévitables dans tout établissement qui commence et qui contrarie un usage établi. J’ajoute que cette régie, une fois établie, acquerra chaque année une nouvelle facilité non-seulement par la pratique et l’expérience, mais par la diminution successive des traites qui doit nécessairement en résulter, jusqu’à ce qu’elles se réduisent d’elles-mêmes à la plus petite quantité possible, ce qui est le but final que l’on doit se proposer.

Il faut que tout le monde vive et que personne ne s’enrichisse : c’est le principe fondamental de la prospérité de la nation, et la police que je propose va, pour sa partie, à ce but aussi directement qu’il est possible. Les denrées superflues n’étant point un objet de commerce, ne se débitant point en argent, ne seront cultivées qu’en proportion du besoin des nécessaires, et quiconque pourra se procurer immédiatement celles qui lui manquent, sera sans intérêt d’en avoir de trop. Sitôt que les produits de la terre ne seront point marchandise, leur culture se proportionnera peu à peu dans chaque province et même dans chaque héritage, au besoin général de la province et au besoin particulier des cultivateurs ; chacun s’efforcera d’avoir en nature, en sa propre culture, toutes ces choses qui lui sont nécessaires, plutôt que par des échanges, qui seront toujours de moins en moins commodes à quelque point qu’ils soient facilités.

C’est un avantage, sans contredit, de donner à chaque terrain ce qu’il est le plus propre à produire ; par cette dis-