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les lois, par les coutumes, par les préjugés, par les climats, devient si différent de lui-même, qu’il ne faut plus chercher parmi nous ce qui est bon aux hommes en général, mais ce qui leur est bon dans tel temps ou dans tel pays. Ainsi les pièces de Ménandre, faites pour le théâtre d’Athènes, étaient déplacées sur celui de Rome : ainsi les combats des gladiateurs, qui, sous la république, animaient le courage et la valeur des Romains, n’inspiraient, sous les empereurs, à la populace de Rome, que l'amour du sang et la cruauté : du même objet offert au même peuple en différents temps, il apprit d’abord à mépriser sa vie, et ensuite à se jouer de celle d’autrui.

Quant à l’espèce des spectacles, c’est nécessairement le plaisir qu’ils donnent, et non leur utilité, qui la détermine. Si l’utilité peut s’y trouver, à la bonne heure ; mais l’objet principal est de plaire, et pourvu que le peuple s’amuse, cet objet est assez rempli. Cela seul empêchera toujours qu’on ne puisse donner à ces sortes d’établissements tous les avantages dont ils seraient susceptibles, et c’est s’abuser beaucoup que de s’en former

le luxe, l’impudicité, il est visible alors que la chose tourne eu abus, et qu’à moins qu’on ne trouve le moyen de corriger ces abus ou de s’en garantir, il vaut mieux renoncer à cette sorte d’amusement. » Instructions chrétiennes *, tom. iii, livre iii, chap. 16.

Voilà l’état de la question bien posé. Il s’agit de savoir si la morale du théâtre est nécessairement relâchée, si les abus sont inévitables, si les inconvénients dérivent de la nature de la chose, ou s’ils viennent de causes qu’on ne puisse écarter.

  • Cinq vol. in-8°. Amsterdam, 1755. C’est un ouvrage du même professeur

Veruet, auteur de la Doctrine chrétienne précédemment citée.